Cavalière posture
Rhhhhaaaa, le plaisir de ce matin ! Oh, un bonheur absolu.
Fallait que je couche ça sur mon clavier.
J'y ai pensé pendant tout le trajet de l'école, c'est dire.
Alors, alors, c'est quoi hein ?
C'est quoi ?
C'est quoi qui te fait bicher comme ça ?
Voilà. Il y a moult années de cela, dame Nain avait investi comme une brute. A savoir dépensé l'astronomique somme de 500 francs (ouais, maintenant ça le fait plus, 76 euros, c'est le prix d'une baguette) dans l'achat d'une petite merveille.
La petite merveille en question avait deux roues, et une origine batave du plus bel effet.
Un vélo.
A bon, tout ça pour ça ?
Mais attend, pas n'importe quel vélo.
Un Nhollandais mâdâme. Un truc sans doute volé à Amsterdam entre deux quais, et refourgué au cul d'une cave. Ok, j'avais pas trop été regardante à l'époque, vu l'état de mon porte-monnaie, j'avais fermé les yeux sur le probable vol batave.
En attendant, la chose, amster ou pas, avait fait jubiler la dame.
Une mer-veille.
Point besoin de vitesses, tout est dans la posture. Le dos bien droit, montée sur le fidèle destrier, dame Nain avait alors tout de la cavalière monture. Un guidon en guise de rênes, et hop ! J'hésitais alors entre l'élevage équin et le cadre de Saumur. On est sur ces vélos, madame, comme un cavalier en sous-bois, d'une classe inégalée et d'un maintien de roi.
Bref, avec ce vélo là, j'ai kiffé ma race.
Et puis j'ai rencontré monsieur Nain.
Qui lui, voyant l'état du batave destrier et aimant sa cavalière attitrée, c'est dit qu'il ne pouvait pas laisser sa propriétaire dans cet état.
Parce bon, il est vrai que la bête avait des kilomètres au compteur, présentait moult taches de rouille et autres poques du plus bel effet. Et une cagette en guide de panier, avec laquelle je ne vous dis pas tout ce que j'ai pu transporter. Mais bon, dame Nain bossant dans la patine, le vieillot et l'ancien, sa monture avait quelques rapports avec les siens, alors...
Me voilà donc, outre un mari tout neuf, dotée d'un nouveau vélo, quasiment aussitôt volé dans l'oeuf.
On reprend donc notre brave hollandais.
Puis d'un troisième, fabriqué sans nul doute par de petites mains asiatiques. Dont il fallut refaire l'ensemble de la visserie, doter le cadre de boulons anti-vol et autres joyeusetés techniques. Au final, une fois passé dans les main de monsieur Nain, l'engin présentait bien.
La bête étant accastillée, me voilà repartie avec un machin des plus costaud, mit selle ++ with gel en silicone, panier croisillons, boulons papillons, etcétéra, étcétéra... Tout était bon dans le tromblon.
Bon, dire que le plaisir était le même... J'allais pas jusque là.
Je gardais donc ma baderne batave en cave et roulait benoîtement avec le flambant neuf assez lourd en vitesse, mais brave.
Jusqu'à la semaine dernière. Où sans doute énervé par mon destrier accroché à sa poubelle, un vil concierge s'en servit comme défouloir à coups de pelle. Oh, il ne dérangeait personne, ce brave vélo là. La poubelle avait été sortie puis rentrée depuis longtemps. Il était juste là, bravement accroché, attendant patiemment le retour de sa cavalière, dont les minous avaient 2 ou 3 trucs à faire (vous avez vu comme c'est chargé un agenda de minous ?). Bref.
Lorsque je repris l'engin, il grinçait, peinait, soufflait, frottait. On sentait la bête en souffrance, et prête à rendre l'âme sur la bande d'arrêt d'urgence.
Là, en attendant le retour de son maître en technique attitré, parti travailler à l'étranger, la petite reine fut nettoyée par sa propriétaire, re-graissée, et rapidement analysée. Roue arrière voilée. Rien à faire.
Y'avait du gite dans la voilure, ça brinquebalait dans la droiture. Bref, à moins de réinvestir, c'était foutu en devenir.
Là, dame Nain sentit qu'il fallait faire quelque chose.
Trois solutions.
La première, la plus logique, aurait été de réparer la chose. Sachant qu'une roue coûte aujourd'hui le prix d'une bête entière. Joie consommatrice à mondialisation industrière productrice. Nul.
La deuxième, acheter donc un nouveau destrier, et vendre pour pièces détachées l'ancienne dans un boncoin annoncé. Possible.
Mais peu rapide, or dame Nain, son vélo, c'est son auto. Un peu trop lent dans le tempo.
La troisième encavée réveilla en dame Nain d'anciens instincts cavaliers. Et si on allait voir du côté batave de la force motrice à pieds ?
Tadam ! Vive Amsterdam !
Et ce matin, oh, ce matin, et bien c'était plus que bien.
Joie, bonheur dans les coeurs.
Dame Nain a retrouvé sa posture cavalière d'antan. Une légèreté, une subtilité, un petit côté aérien, pour un peu, je me serais crue en forêt à équin.
Un pied, mais un pied... Y'a rien à faire, quand c'est bien conçu, la technique c'est le bonheur absolu.
Bref, il est vieux, il est moche, il a des jantes à faire pâlir la moindre semelle séculaire à botte crottée forestière, mais c'est une merveille à rouler, un plaisir infini cavalier.
On est décidément peu de chose.
Un vélo, un cavalier, et voilà comment commencer divinement une journée...