28 mars 2016
Babar en fontaine ou la cascade en chantier
Alors voilà, je suis allée voir Hubert. Et Hubert, c'est juste sublime...
Et grand, tellement grand, que j'ai dû courser à la fin. Rhaaa...
Bon, j'y retournerai. Pas possible autrement.
Du coup, le Nain étant la reine du coq à l'âne, d'Hubert en rhaaa, elle a pensé... Éléphant.
Éléphant ? Oui,parmi les Hubert, il y avait un tableau sur la Bastille.
Alors, la Bastille, on connaît tous, "Ah, ça ira, ça ira, ça ira...". Mais le tableau d'Hubert, il en donne une dimension. Parce que franchement, vue comme ça, elle a l'ait toute grignette la Bastille.

Ça, c'est elle sur le plan de Truschet et Hoyau, vers 1550.
Toute choupi.
Et là, c'est elle au XVIIIe.
A ce compte là, on dirait presque que les soldats passent à peine par la porte...
Rikiki.
Et là...
Oui, bon, je sais, j'exagère un peu... Là, on dirait juste le château playmobil. Ce qui est un chouille normal. Parce qu'au Moyen Âge, dans les représentations, celui qui est le plus grand, c'est le plus important. En l'occurence, là, c'est le maître d'ouvrage qui fait visiter la fin du chantier à Charles VI, son chambellan et à toute la Cour derrière.
Du coup, non, c'était pas un truc trop mignon la Bastille, c'était juste un machin éNORRRME.
Et qui c'est qui le montre le mieux ?
Ben, c'est Hubert.
Bon, vue comme ça, je dis pas, l'échelle on la capte pas trop.
Mais quand on est devant... Là, ma petite dame, c'est une autre histoire. Surtout quand on regarde tout en haut...
Parce que c'est pas de la déco les petits machins perchés, ni de la dentelle de Calais, pas des fourmis non plus.
C'est des démolisseurs !
Ahhhh, là, ça fait pas pareil...
Sachant que chez Hubert, il y a toujours un petit côté vertigineux.
Il aimait bien se percher cet homme là.
Ou représenter les autres en train de se percher.
Voire se dire qu'un jour, il allait bien finir par se casser la margoulette.
Que je surplombe le vide à l'envi.
"Mais attrape-le bon sang !"
Jusqu'à ce que...
Et ben voilà, c'est pas faute de l'avoir dit.
Non, vraiment, y'aurait un truc à définir de ce côté là chez Hubert. Suspendu dans le vide, de chutes d'eau en cascades, au propre et au figuré. M'est avis que lorsqu'il était petit, sa douce maman a du frôler plus d'une fois la crise cardiaque.
*
Bon, et sinon, la Bastille ?
Ah, oui, la Bastille.
Une fois détruite la Bastille, ben du coup, ça faisait un grand trou... Fallait bien remplir tout ça.
C'était sans compter sur Napoléon, roi du upcycling, ou surcyclage (c'est plus moche dit en français non ?).
En 1808, Napo, il a des tonnes de canons en bronze qu'il a pécho aux Espagnols, et il sait pas trop quoi en faire. Du coup, allez savoir pourquoi, il se dit qu'il pourrait les transformer en éléphant.
Parce que sur cette pauvre place de la Bastille, à l'époque, on sait pas trop quoi y mettre. Une colonne, une fontaine, un arc de triomphe...
Bon, tant qu'à triompher, autant aller voir du côté d'Hannibal et son franchissement des Alpes. Vu que Napo, il les avait franchies aussi, lui.
Alors on décide d'y mettre un éléphant. Avec une tour dessus.
Et pourquoi une tour ? Ce truc là s'appelle un howdah. Un grand classique. Moi qui grabotte en jardin, ça me fait furieusement penser à celui de Bomarzo. Qui représente justement un des éléphants d'Hannibal. Et tant qu'à faire, à celui-là, on lui fait boulotter un romain.
Je dis ça, je dis rien, sachant qu'il faudra que je vous reparle de Bomarzo, parce que c'est juste un des plus beaux endroits au monde.
Bref.
Sur la place de la Bastille, on construit un socle, qu'on transforme en fontaine.
C'était bien parti.
Sauf que ça traîne cette histoire là, et que ça coûte bonbon. Et que du coup, les caisses de l'Etat fatiguent un peu. Ça, c'est un éternel problème avec les éléphants. Même encore maintenant.
Du coup, pour accélerer la chose, en 1814, Alavoine, qui avait fait plein de projets pour la bête en fait construire une maquette à l'échelle 1.
Bien mal lui en a pris, parce que finalement, et ben c'est la maquette qu'on pose sur la place. Oubliés les canons !
Bon, c'est un chouille plus fragile que le bronze cette histoire là, ce qui fait qu'il faut construire un hangar par-dessus. Côté esthétique, c'est crétin.
Mais ça permet d'en loger certains.
« — Et où loges-tu ?
— Dans l’éléphant, dit Gavroche.
Montparnasse, quoique de sa nature peu étonné, ne put retenir une exclamation :
— Dans l’éléphant !
— Eh bien oui, dans l’éléphant ! repartit Gavroche. Kekçaa ?
Ceci est encore un mot de la langue que personne n’écrit et que tout le monde parle. Kekçaa signifie : qu’est-ce que cela a ?
L’observation profonde du gamin ramena Montparnasse au calme et au bon sens. Il parut revenir à de meilleurs sentiments pour le logis de Gavroche.
— Au fait ! dit-il, oui, l’éléphant Y-est-on bien ?
— Très bien, fit Gavroche. Là, vrai, chenûment. Il n’y a pas de vents coulis comme sous les ponts.
— Comment y entres-tu ?
— J’entre.
— E y a donc un trou ? demanda Montparnasse.
— Parbleu ! Mais il ne faut pas le dire. C’est entre les jambes de devant. Les coqueurs ne l’ont pas vu.
— Et tu grimpes ? Oui, je comprends.
— Un tour de main, cric, crac, c’est fait, plus personne. »
— Dans l’éléphant, dit Gavroche.
Montparnasse, quoique de sa nature peu étonné, ne put retenir une exclamation :
— Dans l’éléphant !
— Eh bien oui, dans l’éléphant ! repartit Gavroche. Kekçaa ?
Ceci est encore un mot de la langue que personne n’écrit et que tout le monde parle. Kekçaa signifie : qu’est-ce que cela a ?
L’observation profonde du gamin ramena Montparnasse au calme et au bon sens. Il parut revenir à de meilleurs sentiments pour le logis de Gavroche.
— Au fait ! dit-il, oui, l’éléphant Y-est-on bien ?
— Très bien, fit Gavroche. Là, vrai, chenûment. Il n’y a pas de vents coulis comme sous les ponts.
— Comment y entres-tu ?
— J’entre.
— E y a donc un trou ? demanda Montparnasse.
— Parbleu ! Mais il ne faut pas le dire. C’est entre les jambes de devant. Les coqueurs ne l’ont pas vu.
— Et tu grimpes ? Oui, je comprends.
— Un tour de main, cric, crac, c’est fait, plus personne. »
Victor Hugo, Les Misérables (Tome IV, Livre 6, Chapitre II « Où le petit Gavroche tire parti de Napoléon le Grand »)
A la fin, en 1846, y'a tellement de Gavroches à l'intérieur, qu'on décide d'abattre la bête. C'est son gardien, un monsieur Levasseur, à qui ont confie l'ouvrage.
Le concierge en question habitait le pied de l'animal, ce qui devait être assez cocasse pour les PTT de l'époque, ou remplir les papiers de la CAF.
A Monsieur Levasseur
Gardien
Dans l'éléphant, patte de gauche, à droite en entrant
Paris
Mais bon, je m'égare.
Avec les gavroches, y'avait aussi des centaines de rongeurs qu'il a fallut courser pendant des semaines pour débarrasser la place des gaspards squateurs.
M'est avis que les marchands de pâté chaud d'alors ont du se faire des choux gras sur l'éléphantesque course aux rats...
Et voilà comment de CAF en éléphant, de rats en Rhaaa, boucler la boucle de mon âne en coq.
D'Hubert en rat, d'architecture en "tombe pas d'là", décidément, l'art, c'est extra...
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