l'aquadrature du cercle
Quelle drôle histoire que celle de l'écrit.
Celle des mots, alignés, structurés, orientés au sens d'une pensée.
Faciles, d'une certaine façon.
Écrire en automatique, rouler les r, gonfler ses joues aux sifflements, s'essoufler, harmoniser. Tel le chef d'un orchestre intérieur, joindre au rythme du clavier le glissé des doigts, jusqu'au soupir de la phrase suspendue, muette au son, mais si résonnante au fond.
Écrire sans dire.
Depuis toujours, les mots m'envahissent comme d'amicales présences. Bruissements réguliers, rythmés, miroirs de mes pensées.
Mécaniques parfois, jusqu'à l'essouflement.
Musicaux, comme de petites douceurs au coeur fondant.
Structurés, pour trouver le ton juste, expliquer, défendre, aider, aimer, consoler.
Scandalisés, souvent, lorsque ils voient leurs congénères utilisés à de vils et médiocres arguments.
Joueurs, lorsqu'ils trouvent un jongleur en interlocuteur.
A la fois si fragiles, parfois hésitants, et pourtant, toujours, à jamais, si puissants.
La force des mots est à l'image de l'eau.
Une onde, un torrent, un ruissellement, une vapeur, une effluve, un fleuve, une humeur.
Contenue, canalisée, ronflante, fluctuante, caressante, enveloppante, ondoyante.
Source surabondante aux tarissements parfois spectaculaires. Retenue, comme accumulée. Puis lâchée, bondissante.
Calme pour un temps. Celui de la décantation, de l'épure et du sens, haletante.
Me voilà définie.
Contenant flottant au gré de mon aquatique intérieur. Comme une arche de Noé abritant les eaux de son créateur. Navigatrice au gré des mots, je flotte en intérieur...