Oeuvre au noir
De l'envols amers des pensées fugaces,
Lorsque de la nuit naissent les premières traces,
S'échappe parfois du temps et de l'espace,
Le vent de la mer, l'instant d'une grâce...
De ces rêves surpris aux heures de solitude
Surgit l'inatendu oubli de viles habitudes.
De celles qui laissent le temps filer
Aux droits abîmes d'abrupts glaciers.
La couleur laisse alors la place au gravures passées,
Aux blancs éteints des noirs compassés.
Les mots se parent de voyelles éteintes,
Las de la lumière que les voiles étreintent.
D'étranges souvenirs se mirent au mercure des tains,
De consonnes sombres aux sonorités d'airain ;
Laissant le temps se parer de couleurs imaginées,
L'esprit se fondre aux teintes à jamais fantasmées.
L'or et l'argent du velours des eaux profondes
Se tendent au gré du stylet sourd et résonant de l'onde ;
Le trait file sur le grain bistre du papier,
L'encre coule au chemin des pleins et déliés.
Du végétal ne reste que le gris de la cendre,
Le cri guttural de la louve à l'ambre.
Des yeux mordorés, de l'argent pâle ;
Du noir bistre des nuages, la part animale.
Et lorsque le coeur des marbres froids s'enflamme,
Sous le vernis polissé du granit à l'entame,
Naît alors un feu plus torride encore que les rayons dardés
Des arides et flamboyants soleils d'été.
Issu de ces noirs dessins, le monde se révèle à l'âme,
L'onde renaît au désir et à la flamme.
De la cendre au fusain embrasé sous les doigts,
L'eau goutte et d'aquerelle teinte l'effroi.
Dors, Ô mon heureuse progéniture,
Le noir n'est rien qu'un révélateur d'écriture ;
Un lien entre l'ici et l'au-delà du ciel
Une oeuvre en soit, essentielle.
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